Mehak Siddiqui,

Ecrivain

Quand j’étais petite, j’imaginais que j’étais comme les héroïnes à la peau claire et aux cheveux blonds de mes livres et films préférés. Mais c’était difficile d’ignorer la dure réalité; alors que mes idoles étaient toujours belles et reconnues, moi je me sentais laide et rejetée. Elles étaient sûres d’elles et admirées, tandis que je n’étais qu’une solitaire timide qu’on remarquait pour de mauvaises raisons et à qui les camarades posaient des questions embarrassantes telles que: Pourquoi es-tu si blanche? Quelle maladie as-tu? Qu’est-ce qu’ils ont tes yeux?

Je trouvais cela humiliant d’attirer l’attention et préférais toujours garder le silence plutôt que d’admettre mon état, une tendance qui s’est poursuivie jusqu'à ce que j’aie une vingtaine d’années. En grandissant je me demandais : Pourquoi je ne peux pas lire un livre qui parle d’une personne atteinte d’albinisme ? Pourquoi n’y a-t-il pas de film dont le héros ou l’héroïne est atteint d’albinisme, sans pour autant être un méchant ou un être surnaturel, mais qui soit juste quelqu’un d’ordinaire ou de ‘normal’ ?

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Trouver une identité

"Je me suis rendu compte que ce que l'on est n'est pas quelque chose que l'on peut cocher dans une case"

Normal. Ce mot, je le mets entre guillemets parce que pour moi il est complètement subjectif, c’est une notion qui varie largement selon les individus, les communautés et les cultures. On vit dans un monde tellement diversifié, et pourtant la différence est si peu représentée dans la culture populaire dominante. C’est cette triste prise de conscience qui est en quelque sorte à l’origine de mon rêve d’écrire des romans, dont les protagonistes sont atteints d’albinisme. Je suis maintenant plongée dans l’écriture de mon premier roman, qui est en grande partie mais pas complètement autobiographique.

Ecrire a été la force motrice qui m’a récemment poussée à changer mon attitude vis-à-vis de ma condition. J’ai enfin trouvé le courage d’être plus ouverte et disposée à accepter mon identité en tant que personne atteinte d’albinisme, comme l’une des identités qui définissent qui je suis. Je me suis rendu compte que ce que l’on est n’est pas quelque chose que l’on peut cocher dans une case, comme sur les innombrables formulaires que nous passons notre vie à remplir. Mais c’est plutôt un amalgame complexe des traits et réalités qui nous caractérisent à la fois en tant qu’individus uniques et qui nous relient aux autres.

Reconnaissante

Je me sens particulièrement chanceuse de ne pas avoir eu à subir le genre de discrimination à laquelle beaucoup de gens atteints d’albinisme doivent faire face. Comme j’ai des origines ethniques sud-asiatiques, mes cheveux sont blond-foncés et non pas blancs, ce qui fait que très souvent les gens pensent que je suis d’ethnicité blanche. La plupart du temps, c’est assez amusant, mais il y a des moments où cela devient frustrant d’être traitée comme une étrangère dans son propre pays. Je vie en Inde, il m’est arrivé que des habitants locaux visitant des sites touristiques me demandent à être prise en photo avec eux parce qu’ils me trouvaient exotique, et que des agents de sécurité exigent que je paye le prix d’entrée exorbitant réservé aux étrangers.

Parfois, je ne peux m’empêcher d’avoir un pincement de jalousie quand j’observe les autres et je me rends compte à quel point cela est stimulant, utile et pratique d’avoir une vue normale. Alors, je me dis que même avec ma vue faible, je fonctionne suffisamment bien, ce qui est certainement quelque chose pour laquelle je suis reconnaissante. De plus, j’ai un réseau de soutien formidable avec ma famille et mes amis qui savent toujours quand j’ai besoin d’aide sans même que j’ai à le demander. Et à cause de cela, je me sens vraiment privilégiée.

Mehak Siddiqui