Alshaymaa Kwegyir,
Députée au parlement et militante
Alshaymaa Kwegyir a grandi auprès de parents aimants et protecteurs; elle a donc eu plus de chance que la plupart des personnes atteintes d’albinisme, victimes d’une terrible discrimination, de stigmatisation, voire de meurtre. Grâce à l’appui des siens, Kwegyir a reçu une éducation et fait carrière dans la fonction publique. Devenue députée au parlement et militante en faveur des personnes atteintes d’albinisme, elle mène campagne pour faire changer les choses dans son pays, la Tanzanie, et dans le monde entier.
Faites la connaissance de la députée Alshaymaa Kwegyir.
Débuts dans la vie
Je suis née et j’ai grandi dans la ville portuaire de Tanga, dans le nord de la Tanzanie, entourée d’amis et de voisins persuadés qu’il valait mieux que les personnes souffrant d’albinisme restent enfermées pour éviter d’être victimes de discrimination. Les parents d’enfants atteints d’albinisme pensaient que ces derniers portaient malheur à leur famille, et le public en général croyait que les personnes souffrant d’albinisme étaient des créatures sanguinaires qui ne mouraient jamais, mais disparaissaient mystérieusement.
Avec mes trois frères et sœurs, eux aussi atteints d’albinisme, nous aimions les livres; c’est grâce à la lecture que nous nous évadions et que nous échappions à la discrimination. Nous pensions également que l’éducation nous donnerait le courage de dire à notre communauté que nous aussi, nous étions des êtres humains.
Pendant ce temps, sur le chemin de l’école, les gens nous insultaient, et nos camarades de classe nous évitaient. C’était pareil à l’école: les tableaux noirs, anciens, étaient à peine visibles, alors nous n’arrivions pas à voir ce qui était écrit au tableau. Pourtant, les instituteurs ne prenaient jamais la peine de nous faire asseoir au premier rang.
En dépit de cette discrimination publique, mes frères et sœurs et moi savions que nous avions de la chance, contrairement à la plupart des autres enfants du quartier atteints d’albinisme, qui faisaient l’objet de discrimination de la part de leurs propres parents, alors que nous, nous trouvions refuge dans l’amour et la protection de nos proches.
La protection et l’affection de mes parents ne m’ont pas empêchée de demander à ma mère pourquoi nous étions ‘blancs’ et pourquoi les autres nous trouvaient différents. Ma mère insistait sur le fait que nous étions normaux et nous encourageait à être fiers de nous.
Déclic
C’est cette éducation qui m’a inculqué la compassion pour ceux qui vivent avec l’albinisme, qui m’a incitée à m’impliquer dans mon travail de plaidoyer et à collaborer avec le gouvernement en vue de réviser la législation, dans le but de prévoir des mesures juridiques plus strictes à l’encontre des auteurs de discrimination et, dans des cas extrêmes, de meurtre de personnes atteintes d’albinisme.
En 2008, je poursuivais mon travail de plaidoyer, lorsque le président de la Tanzanie, Jakaya Kikwete, m’a nommée députée au parlement; j’ai été la toute première députée atteinte d’albinisme. J’ai ainsi eu l’occasion de faire connaître mon travail de plaidoyer aux législateurs, ce qui a débouché sur la promulgation de la loi d’avril 2010 sur le handicap. Cette loi protège les personnes atteintes d’albinisme de la discrimination sur leur lieu de travail.
Au plus fort des assassinats de personnes atteintes d’albinisme, j’étais en première ligne pour essayer de les protéger des assassins brutaux qui veulent s’enrichir grâce à une potion concoctée à base d’organes de personnes atteintes d’albinisme. J’ai sillonné le pays pour offrir de la crème solaire et d’autres produits de protection solaire contre les rayons ultraviolets.
Dès que nous avons appris que deux filles atteintes d’albinisme, Bibiana et Tindi, avaient échappé de peu à un massacre à la hache, je me suis immédiatement rendue de Dodoma, la capitale de la Tanzanie, jusqu’à Mwanza, sur la côte sud du Lac Victoria, pour leur rendre visite. Les fillettes habitaient avec leur tante lorsqu’elles ont été agressées par des hommes armés de machettes, qui ont laissé Bibiana avec une blessure béante à la jambe. J’ai décidé d’adopter ces fillettes ; aujourd’hui, je couvre leur frais de scolarité et je prends soin d’elles.
Aspirations en matière de droits de l'homme
C’est mon souhait de faire respecter les droits des personnes souffrant d’un handicap qui m’a incitée à créer en 2008 la Good Hope Foundation (la Fondation Bonne-Espérance). Le but de la fondation est aussi d’aider les personnes atteintes d’albinisme qui n’ont toujours pas accès à des soins médicaux appropriés, notamment à des médicaments pour prévenir le cancer de la peau, très répandu parmi les personnes atteintes d’albinisme, en particulier dans les régions tropicales. Je suis bien placée pour savoir que les personnes souffrant d’albinisme doivent lutter sur tous les fronts, et j’ai l’impression qu’avec ma fondation, je pourrai faire du bon travail.
Ces efforts m’ont valu une nouvelle distinction de la part du président Kikwete, qui m’a nommée à la Commission de révision de la Constitution tanzanienne, instituée conformément à la loi sur la révision constitutionnelle de 2011, qui a pour but de solliciter l’avis du public au sujet d’une nouvelle Constitution pour la Tanzanie. Je profite de cette plateforme pour réclamer davantage de droits pour les personnes atteintes d’albinisme.