Dr Rebecca L. Kammer,
Docteur en optométrie et spécialiste en basse vision
Le docteur Rebecca Kammer a toujours ressenti l’urgence de se mettre au service des autres, et plus particulièrement de “ceux qui sont soumis à une forme quelconque d’oppression.” Après avoir vu un film documentaire consacré aux atrocités commises à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme Tanzanie, elle a décidé de se consacrer à dispenser des soins ophtalmologiques aux enfants atteints d’albinisme en Afrique de l’Est, afin de les aider à devenir autonomes.
Faites la connaissance du docteur Rebecca Kammer
Appel
Je suis médecin spécialisé dans la basse vision et docteur en optométrie en Californie, aux Etats-Unis. Après ma licence en ingéniérie optique puis en optométrie, j’ai entrepris de courtes missions médicales au Honduras et au Kenya, où j’ai emmené des équipes d’étudiants en optométrie et des membres de mon Eglise pour travailler avec moi.
Après l’université, et comme je suis chrétienne, j’ai voulu me mettre au service des autres dans le cadre de ma profession et de ma mission. Je savais que j’avais besoin de certaines compétences pour cela, alors l’optométrie m’a semblé être la profession idéale.
Au bout de trois ans d’apprentissage et de spécialisation dans le domaine de la basse vision, je suis devenue cheffe de la section spécialisée dans la basse vision à l’université où j’enseignais, et qui s’appelle aujourd’hui Ketchum University. Je me suis occupée de plusieurs patients atteints d’albinisme, mais ma première rencontre avec cette maladie en dehors des Etats-Unis s’est faite lors de mon séjour en Tanzanie, en tant que bénévole auprès de l’ONG Under the Same Sun (UTSS).
Déclic
Un jour d’automne 2009, je ne dormais pas, alors j’ai regardé un documentaire consacré au travail du docteur Murray Brilliant, un généticien renommé spécialisé dans l’albinisme humain, et aux atrocités perpétrées contre les personnes atteintes d’albinisme en Tanzanie.
Ce documentaire m’a bouleversée, alors je me suis dit que puisque grâce à ma mission, je disposais déjà des bases nécessaires pour travailler dans le domaine de la vision dans les zones reculées, et puisque je connaissais les troubles de la vue dont souffrent les personnes atteintes d’albinisme, du moins aux Etats-Unis, je pouvais apporter mon aide en Tanzanie. A l’époque, je ne voyais pas en quoi la vision pouvait contribuer faire cesser les massacres et les mutilations, mais je le pressentais. Je savais que Dieu me poussait à agir. Ce sentiment ne m’a jamais quittée depuis.
Le lendemain, j’ai contacté le docteur Brilliant. Il m’a envoyée chez Peter Ash, le fondateur et directeur de Under the Same Sun, qui venait de créer cette ONG qui défend les droits des personnes atteintes d’albinisme en Tanzanie et dans le monde.
Peter s’occupait prioritairement de la sécurité, mais il comprenait tout à fait mon action en tant que médecin, étant donné qu’il souffre lui-même d’albinisme et de vision basse. Il m’a expliqué qu’il avait du mal à trouver des spécialistes qui comprennent sa vision et qui sachent comment lui procurer des loupes spéciales.
Il m’a dit que je pourrais lui être utile une fois qu’il aurait mis au point un projet d’assistance aux personnes atteintes d’albinisme par le biais de programmes d’éducation proposant un environnement sûr et une aide au développement des futurs cadres. J’ai adoré son projet, et je lui ai expliqué que je pourrais lui proposer mon aide dans le domaine de la vision des enfants, pour qu’ils soient plus à l’aise dans leur environnement scolaire, et pour maximiser leurs chances de devenir les dirigeants de l’avenir qui contribueront à mettre fin à la discrimination.
Travail sur le terrain
Un an et demi plus tard, en mai 2011, les enfants parrainés par le fonds de gestion des bourses pour l’éducation d’UTSS se sont inscrits à l’école, et je me suis rendue pour la première fois en Tanzanie pour y rencontrer Peter Ash et ses collègues. J’y suis retournée plusieurs fois depuis accompagnée d’une équipe d’étudiants en optométrie et d’un opticien de ma clinique, pour apporter des verres spéciaux, des téléscopes monoculaires et des loupes dômes. Au fil du temps, nous avons trouvé des partenaires essentiels dans le pays, notamment Rajeshwari Sagar, qui présidait à l’époque la Société tanzanienne d’optométrie, et Sospeter Wilson, un optométriste local, qui m’a aidée à sensibiliser ses collègues à la basse vision chez les personnes atteintes d’albinisme.
Lors de ma dernière visite en Tanzanie, en mai 2014, j’ai rencontré quelques-uns des responsables de l’ONG Standing Voice, basée au Royaume-Uni, Harry Freeland et Jon Beale, qui m’ont demandé de simplifier mes procédures cliniques afin de pouvoir aider davantage d’enfants à travers toute la Tanzanie. En raison du type génétique commun à toute l’Afrique de l’Est, les similitudes de mes conclusions en matière de vision m’ont amenée à élaborer un plan d’identification de groupes élargis que je pourrais aider en leur fournissant des loupes simples, des lunettes de soleil et des informations relatives à la vision.
Notre partenariat a débouché sur un programme pilote visant à informer les enseignants et les dirigeants sur la vision et l’albinisme, à offrir des soins spécialisés dans la basse vision aux enfants dans les écoles en Tanzanie, et à développer et former des centres spécialisés dans la basse vision pour que, le cas échéant, ils soient à même d’offrir des soins plus complets. Nous produisons du matériel d’information et de formation à l’appui de ce programme, et nous espérons pouvoir par la suite mettre la plupart de ces documents à disposition en format électronique, afin que ce programme puisse être repris dans d’autres pays.
Aspirations en matière de droits de l’homme
J’espère que toutes les personnes atteintes d’albinisme en Afrique de l’Est pourront se renseigner au sujet de la vision, élargir ainsi leurs propres connaissances et savoir quelles sont les ressources à leur disposition pour acquérir une formation qui leur permette d’avoir une bonne qualité de vie, et de jouir des même droits que le reste de la population.
J’ai l’intention de faire prendre conscience aussi bien aux patients qu’aux professionnels de tout ce qui a trait à la santé et à la vision. Pour les patients, c’est pour qu’ils puissent prendre soin d’eux-mêmes et solliciter les soins dont ils ont besoin auprès de professionnels de la santé qui soient compatissants et justes. Pour les professionnels de la santé, c’est pour qu’ils puissent servir les personnes atteintes d’albinisme avec compassion et sans préjugés, et en suivant le bon raisonnement, afin qu’ils puissent rendre leurs patients autonomes grâce aux soins de santé et à l’éducation dans le domaine de la santé.